Onze ans après, Brice revient, qu’est ce qui a changé dans ce personnage ?
L’idée était justement qu’il ne change pas, c’est moi qui ai
changé, avec mon corps de 44 ans. Brice continue de vivre en circuit fermé,
dans sa bulle jaune, avec son envie de vague, son envie de
« casse-contre-casse » et sa vie très codifiée. La plupart du temps,
ce sont les évènements qui l’obligent à bouger. D’ailleurs, il ne changera
jamais, si je le retrouve dans dix ans – car je n’exclue pas de retrouver Brice
dans la cinquantaine - je pense qu’on pourra se poser la même question. Au
fond, je crois que je n’ai pas envie qu’il change.
Est-il devenu plus touchant ?
Le film s’ouvre à Nice, où l’on retrouve Brice seul, avec son
poisson rouge, dans sa petite cabane, sur une plage où il est à peine toléré.
On voit d’emblée qu’il s’est marginalisé, ce qui le rend évidemment plus
touchant et plus désespéré également… Or, ce qui m’amuse, c’est que malgré
cela, il continue à dire « je t’ai cassé ». Il faut revenir à la
genèse du personnage. Il a vraiment existé : il est inspiré d’un garçon
blond, qui s’appelait Brice, qui était en terminale avec moi et s’amusait à
casser tout le monde. Il ne disait pas « je t’ai cassé », mais il
riait de ses propres vannes. C’était déjà ridicule il y a 11 ans, alors à mon
âge, cela devient vraiment pathétique. Brice n’est pas un mec très drôle. Ce
qui m’intéresse, c’est son œil vide et les gens qui le regardent, incapables de
comprendre ce type qui ne pense qu’à lui et qui pose des questions absurdes
comme : « Je pourrais avoir une statue de moi dans
Nice ? », des questions d’enfant.
Qu’est-ce que tu aimes par-dessus
tout dans ce personnage ?
M’autoriser à le vivre ! Ce qui m’intéresse c’est ouvrir la
valise du clown, mettre un T-shirt jaune, et même si on me dit que je suis un
peu vieux pour ça, ce n’est pas grave. Enfiler ce pantalon ridicule, cette
fausse dent de requin - qui est, en fait, une petite corne de chèvre - ces
cheveux longs… Le premier spectateur du film c’est moi. C’est comme une
panoplie d’enfant qu’on reçoit à Noel.
Quand je l’enfile, je sais que je vais faire des facéties, que je vais
jouer à jouer, davantage qu’incarner, car on n’incarne pas un personnage qui
n’existe pas. Il est à la fois flamboyant et minable. Avec lui, je peux à la
fois frôler la caricature et être vraiment dans l’émotion. Brice, c’est la
quintessence même de mon métier : s’amuser.
Existe-t-il des limites au
personnage de Brice, quand tu écris ?
Nous fixons des limites à la grossièreté. S’il y en a, parfois,
c’est que nous l’avons jugée indispensable, pour nourrir des personnages méchants
ou vulgaires. Par ailleurs, on n’oppose aucune limite à l’absurde. Dès que l’on
se met à imaginer des autocollants de nombril, alors tout devient possible, on
se marre, on imagine que peut-être, dans la vie, il y a des gens qui ont des
autocollants de sourcils, des autocollants de narines, et ça part dans tous les
sens ! On essaie surtout de ne pas trop décaler les gens autour de Brice,
comme la personne de l’aéroport ou le type de la mairie. Brice est tellement
hors norme qu’il est inutile de décaler tout le monde, sinon cela devient
indigeste et on ne croit plus à rien. Ce sont nos seules limites.
Brice n’a toujours pas de
femme ?
Non, pas de femme, pas d’histoire d’amour, Brice est totalement
asexué. Les femmes, ça ne colle pas avec ce personnage. On a essayé, on en a
parlé environ 27 minutes sur les 8 mois d’écriture, mais il n’y avait pas de
place pour une histoire d’amour. Et puis, les histoires d’amour, il y en a
partout au cinéma et dans la littérature, alors, on ne va pas en mettre dans
Brice, il existe d’autres films pour ça.
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